Annabelle Petit
L’âme et la matière
Maquilleuse pour le Septième Art, où elle a fait du tatouage sa spécialité première, Annabelle Petit base son travail artistique sur les principes énoncés dans La Table d’émeraude, de Hermès Trismégiste, personnage mythique de l’Antiquité gréco-égyptienne, également auteur du Corpus Hermeticum. Écrit philosophique, La Table d’émeraude est le texte de référence de la littérature sur l’alchimie et l’hermétisme. Les éléments y sont présentés avec une influence mutuelle, réciproque (« ce que l'on modifie à l'extérieur modifie l'intérieur »), permettant la réalisation de la pierre philosophale, soit la finalité de l’alchimie, et dont la possession permet la conscience absolue, le changement des métaux vils en métaux précieux, le prolongement de la vie…
Pour y parvenir, le parcours de l’alchimiste consiste à accomplir ce qu’il est convenu d’appeler « Le Grand Œuvre », dont les trois grandes étapes, ou œuvres, sont la destruction/le morcellement (œuvre au noir), la reconstruction/la purification (œuvre au blanc) et la transmutation/la création (œuvre au rouge) : « Celui qui veut se libérer de l'obscurité doit tout d'abord séparer le matériel de l'immatériel, le feu de la terre ; parce que tout comme la terre descend avec la terre le feu monte avec le feu et devient un avec le Feu. Celui qui connaît le feu en lui s'élèvera pour rejoindre le feu éternel et reposera en lui pour l'éternité » (Hermès Trismégiste).
Les préceptes du Grand Œuvre, et par extension de la pierre philosophale, ont traversé les siècles, se retrouvant dans nombre de disciplines : religion, chimie, psychologie… Ils ont fait l’objet d’interprétations multiples, comme celle du philosophe Jean Biès (Les Alchimistes, éditions du Félin) : « Un certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. »
Pour mettre en application ce qui est énoncé dans La Table d’émeraude, Annabelle Petit s’inspire ainsi du parcours de l’alchimiste : « Je me concentre sur une idée, une intention, une sensation que produit le texte et je travaille à la retranscrire à travers mes sculptures, qui ont pour ambition de donner corps à des passages de La Table d’émeraude ou d’autres textes sur l’alchimie. »
Une fois ses sculptures terminées, l’artiste ne les considère pas comme de simples œuvres à exposer au public, préférant voir en elles une forme de prolongement : « Mes sculptures ont une vie propre, dégageant en même temps une attraction et une répulsion. À mon sens, c’est cette dualité qui nous permet de ressentir le pouvoir invisible des choses, aussi inanimées puissent-elles sembler de prime abord. Mon travail porte ainsi sur les fréquences vibratoires, qui représentent le lien entre l’intérieur et l’extérieur, l’âme et la matière. Par ce dialogue, il est possible de découvrir le lien invisible qui nous unit à toute chose : la limite entre l’Inanimé et le Vivant n’est plus. »
Texte: Guillaume COCONNIER
Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut comme ce qui est en bas.Par ces choses se font les miracles d'une seule chose.
Et comme toutes les choses sont et proviennent d'UN, par la médiation d'UN, ainsi toutes les choses sont nées de cette chose unique par adaptation.
Le soleil en est le père et la lune la mère.
Le vent l'a porté dans son ventre.
La terre est sa nourrice et son réceptacle.
Le père de tous le Thélème* du monde universel est ici.
Sa force ou puissance reste entière, si elle est convertie en terre.
Tu séparera la terre du feu, le subtil de l'épais, doucement avec grande industrie.
Il monte de la terre et descend du ciel, et reçois la force des choses supérieures et des choses inférieures.
Tu auras par ce moyen la gloire du monde, et toute obscurité s'enfuira de toi.
C'est la force, forte de toute force, car elle vaincra toute chose subtile et pénétrera toute chose solide.
Ainsi le monde a été créer. De cela sortiront d'admirables adaptations desquelles le moyen est ici donné.
photo: Tapissier.
LE UNE FOIS UN DE LA SORCIÈRE
« Salut, système entier de l’esprit de l’air.
Salut, Souffle qui pénètre toutes choses
Depuis le ciel jusqu’à la terre, et depuis la terre,
sise au creux central du monde, jusqu’aux extrémités de l’abîme.
Salut, Souffle qui entres en moi
Et te saisis de moi et te sépares de moi,
Selon la Volonté de Dieu, en bienveillance.
Salut, principe et fin de la nature immobile.
Salut, tourbillon des éléments qui jamais ne vous fatiguez de remplir vos fonctions.
Salut, lumière resplendissante du rayon solaire au service du monde.
Salut, cercle à l’éclat inégal de la lune qui brille la nuit.
Salut, tous les souffles des démons de l’air, salut !
Je t’invoque, toi qui es plus grand que tous, qui as tout créé,
Qui es né de toi-même, qui vois tout et qui n’es point vu.
Toutes choses te sont soumises, dont aucun des dieux ne peut voir la vraie forme,
Toi qui, tandis que tu revêts toutes les formes, demeure l’invisible AION de l’AION. »
Hermes Trismégiste.
RE-NAISSANCE (détail / 2013)